Aujourd’hui, le terme « Faiseurs de Bateaux » constituent notre identité, notre « marque ». Cette appelation rappelle également nos origines, l’histoire de nos ancêtres. Pour trouver la trace des premiers faiseurs de bateaux, il convient de nous plonger loin dans l’histoire de Saint-Omer.

Les origines des faiseurs de bateaux

Chacun connaît peu ou prou l’histoire de la naissance de Saint-Omer, devant son existence aux bâtisseurs ainsi qu’aux « petites mains » qui rendirent le marais habitable et cultivable… Un autre corps de métier, souvent snobé par les chroniques, participa activement à la création et au développement de la cité audomaroise. En effet, à peine les derniers coups de crayon furent-ils jetés sur les plans de l’abbaye Saint-Bertin que se posa la question cruciale du transport de pierres et de bois de construction, au travers du marais. C’est là qu’intervinrent les faiseurs de bateaux.

Ces simples ouvriers donneront rapidement naissance à une véritable corporation d’artisans qualifiés et experts en charpenterie navale, qui construisirent tout d’abord des cogues, puis des escutes et des bacôves, forts utiles pour le transport de marchandises.

De l’âge d’or des faiseurs de bateaux au déclin

Aux alentours de 1850, l’Audomarois comptait encore 6 constructeurs de bateaux, principalement établis dans le faubourg du Haut-Pont. Chaque famille possédait à cette époque au moins un bacôve pour le transport des bêtes et des choux fleurs et deux escutes pour les déplacements quotidiens. C’est dire si la demande était forte ! Ce n’est qu’à la fin des années 1970 que celle-ci s’essouffla… Le remembrement et la construction de ponts et de chemins facilitèrent la circulation des tracteurs qui supplantèrent le bateau. La profession allait-elle disparaître, au même titre que les grèpeurs qui tiraient et revendaient jadis la tourbe ? Fort heureusement, non ! Les derniers faiseurs de bateaux implantés dans le marais de Lyzel, perpétuent toujours les gestes ancestraux nécessaires à la conception de nos embarcations traditionnelles.

Escute traditionnelle sur les rivières de Saint-Omer
Escute à deux pics

La fabrication des bacôves et des escutes en chêne local

L’histoire de chaque bateau commence au cœur de la forêt de Clairmarais. Le faiseur de bateau y sélectionne des chênes d’exception, permettant de débiter de belles et solides planches, avant de les laisser sécher durant de longs mois.

Une fois le bois prêt à l’emploi, l’artisan va tout d’abord concevoir le fond plat, poser les premières membrures et le bordé pour former la coque, puis les étraves, sans oublier les « dromelots », arc de cercle situé à l’extrémité de l’embarcation permettant de recueillir la drome (perche) du maraicher qui pouvait ainsi de la terre ferme, déplacer le bateau sans effort. Chaque constructeur avait à l’époque sa manière de dessiner ce dromelot, qui constituait en quelque sorte la signature de son œuvre.

Une fois l’ensemble assemblé grâce à de robustes clous de forgerons à l’ancienne et les finitions effectuées traditionnellement à l’herminette, outil tranchant muni d’un long manche, le bateau sera étanchéifié grâce à de l’étoupe inséré dans chaque interstice, puis badigeonné au goudron végétal qui nourrira le bois. Autant d’opérations nécessitant un savoir-faire unique et secret, pouvant durer une semaine à un mois et demi, selon la taille de l’embarcation !

Des barques intemporelles de qualité

Le résultat vaut bien cette peine : dans le marais ou dans tout plan d’eau, le bacôve et l’escute conservent depuis des siècles cette fière allure intemporelle. Taillées pour se mouvoir promptement, conçues pour durer plus de 40 ans, ces embarcations uniques ne servent désormais plus aux maraîchers, mais font le bonheur et la fierté des pêcheurs, des passionnés du marais, des touristes et des amateurs de belles choses.

Article publié au sein du magazine Audomarwouah (novembre 2016) « Sur les traces des faiseurs de bateaux ».

Auteur: Jérémie FLANDRIN

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