Derrière la gare de Saint-Omer, côté ville, s’élèvent les ruines de Saint-Bertin. Quelques vieilles pierres mises en valeur par un parc reprenant le tracé de l’ancienne abbatiale qui témoigne de la grandeur passée de l’abbaye Saint-Bertin. Ces vestiges ont été classés monument historique sur la première liste de 1840.

Retour sur l’histoire de ce monument qui sut hisser Saint-Omer parmi les plus grandes capitales religieuses au Moyen Age.

Histoire de l’Abbaye St-Bertin

Cette abbaye bénédictine, autrefois appelée abbaye de Sithiu à l’ère ou St-Omer s’appelait encore Sithiu (le siège), fut fondée en 648 par l’évêque de Thérouanne. Cet évêque, dénommé Audomar, sera le futur Saint-Omer. Il fut accompagné dans sa quête par trois moines : Bertin, Mommelin et Ebertram.

Il ne s’agissait à cette époque que d’un petit monastère dédié à Saint-Pierre situé aux portes de la ville, au pied du Mont Sithiu. Avec les travaux effectués sur les canaux au cours du 10ème siècle, l’abbaye de Sithiu sera bordée par  l’Aa et la Haute-Meldyck.

Description de l’abbaye d’autrefois

Entourée d’un mur d’enceinte, l’abbaye de St Bertin reprit les dispositions classiques des abbayes bénédictines. L’ordre de St Benoit était en effet marqué par la règle de clôture. En son sein, l’abbaye de St Bertin était divisée en trois espaces entourant l’abbatiale : les lieux réguliers, les quartiers périphériques occupés par le prieur, le chambellan, le receveur et l’abbé et les annexes pour les moines. Autour, l’abbaye rayonnait sur nombre de terres servant sa prospérité : exploitations agricoles, moulins, brasseries… Ces possessions s’étendaient loin sur le territoire en raison des dons reçus par l’abbaye de St Bertin : ces dernières s’étendaient jusqu’à la Canche et la baie d’Authie, mais aussi sur certains territoires d’Angleterre et de l’actuelle Allemagne ! Elle jouissait par ailleurs de larges privilèges et de la protection des rois et des empereurs le long de son histoire.

L’ensemble de bâtisses dédiées à la communauté comprenait un cloître à quatre galeries couvertes, un vaste réfectoire, un parloir, une riche bibliothèque, un scriptorium, un lieu pour le chapitre, un cellier, des cuisines…

Bien sûr, l’abbaye de Saint-Bertin ne s’est pas faite en un jour ! L’histoire nous rapporte qu’une église romane a été édifiée vers le milieu du XIe siècle en lieu et place de la future grande abbatiale, elle-même sur l’emplacement d’une église carolingienne antérieure. Cette église romane fut reconstruite dès 1345  et s’agrandira ensuite pour devenir une grande église abbatiale de 25 mètres de hauteur, surmontée d’une tour de 48 mètres de haut. Elle comprenait un vaste sanctuaire et 5 chapelles. L’ensemble ne fut achevé qu’au début du XVIème siècle.

Une riche histoire

L’abbaye de Saint-Bertin sera, au cours de son millénaire d’existence, le lieu de gîte de nombreux rois et princes de passage à Saint-Omer. Elle rayonnera sur le Nord de l’Europe durant quasiment toute son existence.

A noter qu’elle fut a plusieurs reprises attaquée durant les incursions normandes. Les vikings en avaient en effet après les trésors religieux de l’Audomarois et ses reliques!

Enfin, fait curieux, l’abbaye de Saint-Bertin à St Omer constitue le dernier lieu de vie du dernier roi mérovingien, Childéric III. Il y fut enfermé en 751 et y mourrut 4 ans plus tard. Les comtes de Flandre Baudouin Ier de Flandre, Baudouin III de Flandre, Arnoul III de Flandre, certains membres de leur famille et les abbés de St-Bertin y furent aussi enterrés.

La Révolution française et la chute de l’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer

Comme bien des abbayes en France, l’abbaye de Saint-Bertin fut largement impactée par la Révolution française, soucieuse d’effacer les symboles de l’ancien régime. C’est ainsi que l’abbaye de Saint-Bertin devint bien national en 1789. Le 15 août 1791, les moines y furent expulsés et, en 1792, les bâtiments furent vendus. Elle abritera un temps des entrepôts. En 1792, les cloches de l’abbatiale furent brisées. 7 ans plus tard, l’abbaye sera revendue à des particuliers, qui finirent par l’abandonner après l’avoir en partie détruite. Bien entendu, l’abbaye fut entretemps complètement pillée !

En 1811, la ville de Saint-Omer fera l’acquisition des bâtiments alors en ruines. 19 ans plus tard, l’ordre de démolition est donné. Cette décision provoqua un tollé dans l’Audomarois. La rage révolutionnaire était déjà loin… Parmi les fervents défenseurs de l’abbaye, nous pouvions alors compter Victor Hugo en personne, qui tira à boulets rouges sur cette gestion des biens nationaux à l’occasion d’un article publié dans la Revue des Deux Mondes en 1832.

Malheureusement, les travaux furent tout de même initiés. Les pierres de l’abbaye serviront, entre autres, à construire la salle de concert, l’hôtel de ville de Saint-Omer et son théâtre, ainsi que les quais du Haut-Pont.

En 1840, l’abbaye (et la cathédrale de Saint-Omer) figurera dans la première liste des monuments historiques. La tour et les ruines seront préservés.

La seconde guerre mondiale et la chute de la tour

La tour de l’abbaye demeurera dans le paysage audomarois durant près d’un siècle. Malheureusement, elle essuiera des bombardements alliés en 1943 durant la seconde guerre mondiale. Située près de la gare, cette tour constitue une victime collatérale. Un projectile avait atteint un contrefort, un autre un gazomètre de l’usine à gaz située à quelques dizaines de mètres du site. La tour tint bons, mais personne ne se soucia de la renforcer à cette époque où tout était à reconstruire.

Le 22 juillet 1947, autour de 21h, la tour de Saint-Bertin s’effondra.

Les ruines Saint-Bertin et ses trésors aujourd’hui

Aujourd’hui, seules les ruines et le parc témoignent de ce passé et de l’un des premiers monuments religieux de Saint-Omer. Chacun peut y découvrir sa grandeur en se rendant rue des moulins, place St-Bertin et autour de la rue des moulins. Face à l’ancienne entrée de l’abbatiale se dresse la statue de l’abbé Suger, acquise par la ville de Saint-Omer en 1931.

Quant aux trésors de l’abbaye de Saint-Bertin, nombre d’entre-eux ont été  dispersés partout en France dans diverses collections privées ou publiques. Nous pouvons toutefois retrouver certains éléments mobiliers d’art sacré au sein de la cathédrale de Saint-Omer. Le musée Sandelin, rue Carnot à Saint-Omer, recèle également parmi ses collections quelques chapiteaux et des fragments de mosaïques de l’abbatiale romane. Une partie de la bibliothèque de l’abbaye a enfin rejoint le fond ancien de la bibliothèque de l’agglomération de Saint-Omer.

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