Chaque terroir a ses spécialités, et l’Audomarois ne fait pas figure d’exception avec ses bières, ses spiritueux, ses fromages et ses légumes. Parmi ces derniers, la carotte de Tilques a bel et bien trouvé sa place dans le patrimoine gustatif de la région. Plébiscitée durant la première moitié du XXème siècle, elle se fit de plus en plus rare sur les étals à partir des années 70. La modernisation de l’agriculture et l’avènement de la monoculture y furent pour beaucoup. Puis, peu à peu, cette grosse carotte également surnommée « géante de Tilques » retrouva ses lettres de noblesse. Elle est aujourd’hui labellisée par le Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale.
L’Histoire de la carotte
Les origines de la carotte sont très éloignées, aussi bien temporellement parlant que géographiquement. En effet, les premières carottes auraient poussé sur le territoire de l’actuelle Afghanistan. Rachitiques à leurs débuts sauvages et aigres en bouche, elles grossiront et bonifieront une fois cultivées dans des sols fertiles et dans un climat tempéré.
A priori connue depuis des millénaires par l’homme, la carotte tardera toutefois à faire son apparition dans les potagers. Nous la verrons arriver chez nous au IXème siècle sous Charlemagne, mais ce légume n’avait pas encore le visage que nous lui connaissons : elle affichait une couleur pâle, une chaire fibreuse et une peau assez dure. De ce fait, elle ne trônait jamais sur les meilleures tables. Elle pouvait servir à nourrir les bêtes ou les moins fortunés tout au plus. Seules ses fanes restaient universellement appréciées en qualité de plante aromatique.
Plus tard, avec l’ouverture des routes de la soie, la carotte mauve d’Asie fit son arrivée dans nos jardins comportant également désormais des carottes jaunes, rougeâtres, noirâtres… Mais point de carottes oranges ! Il faudra attendre le XVIème siècle pour cela. En effet, nos carottes oranges seraient issues d’un croisement entre les variétés jaunes et rouges. Une œuvre de jardiniers hollandais souhaitant montrer leur allégeance à Guillaume 1er d’Orange-Nassau. Il en résulte que la carotte orange prendra l’ascendant sur toutes les autres variétés tout en damnant le pion à bien d’autres légumes. Elle figure effectivement dans le top 5 des ventes dans le monde !
La carotte de Tilques
Le portrait de son arbre généalogique ayant été brossé, revenons à notre bonne vieille « Géante de Tilques ». Apparue dans l’Audomarois à la fin du XIXème siècle, cette carotte rustique présente des caractéristiques peu communes. Comme son surnom l’indique, elle se distingue eut égard à sa taille, en moyenne 20 à 30 cm de long. Sa belle forme conique ne passe pas non plus inaperçue. Elle la doit à son patrimoine génétique, mais aussi à la bonne terre riche, tourbeuse et sablonneuse du marais Ouest. Ce sol bien drainé, aéré et dénué de cailloux permet à ce légume racine de pousser de manière uniforme sans faire de fourches.
Cuisiner la carotte de Tilques
Côté cuisine, spécifions que sa chair tendre, sucrée et savoureuse s’apprécie davantage cuite que crue et s’avère parfaite pour les petits plats hivernaux mijotant sur le feu, à l’instar du bœuf mode ou du pot au feu.
C’est bon pour la santé!
Côté santé, notre tilquoise présente toutes les qualités de ses congénères : elle est bourrée de vitamines, d’antioxydants et bien d’autres nutriments excellents pour la santé comme le carotène qui améliore le teint. Des légendes urbaines lui attribuent également diverses propriétés médicinales : amélioration de la vue, effets bénéfiques sur le caractère… Aucune étude clinique ne corrobore toutefois ces vieilles assertions.
Cultiver la carotte de Tilques
Enfin, côté jardin, la carotte de Tilques se cultive assez facilement. Les semences sont mises en terre durant la première quinzaine de mai, en lignes, de manière espacée afin d’anticiper la croissance des plants. La carotte se multipliant facilement, il demeure néanmoins nécessaire de repasser un peu plus tard dans la saison pour éclaircir les lignes. Si les carottes se marchent dessus, leur croissance s’avère bien sûr compromise ! Une fois développée, la parcelle de carottes se doit d’être binée. Une façon d’éviter la prolifération des mauvaises herbes, de protéger la plante et de limiter les arrosages.
Récolte et conservation
De la mi-septembre à la fin du mois d’octobre s’étend la période de la récolte par arrachage. Les carottes sont ensuite traditionnellement conservées en silo. Pour ce faire, on entasse les carottes encore pleines de terre sur des tas de moins d’un mètre de haut, que l’on recouvre ensuite de fanes, de paille, puis de terre. Cette méthode permet de préserver les carottes du froid, du pourrissement et de la repousse. Il est ainsi possible de les vendre d’octobre à avril. Certains maraîchers utilisent d’autres méthodes plus modernes comme le stockage en paloxs dans des bâtiments réfrigérés.